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L’adversité et le processus d’apprentissage pour y faire face

Dans le cadre des cours d’arts martiaux au Dojo Shiseikan et des stages organisés à l’Ecocentre de Laboule en Ardèche, nous avons pensé utile de partager nos expériences pédagogiques pour que peut-être, à terme, ceci puisse être considéré comme une contribution à l’éducation des générations à venir. Notre but ici n’est pas bien sûr de se substituer aux institutions en charge de cette fonction mais d’explorer d’autres pistes, d’inspirer d’autres voies. Dans ce sens, un premier article a été réalisé sur le sens de l’effort, et cette fois-ci, nous proposons de partir à la découverte du processus d’apprentissage face à l’adversité. 

C’est dans le cadre d’un stage en Ardèche d’une semaine avec des enfants et des jeunes que ce sujet a été développé. En effet, si les immersions à l’Ecocentre de Laboule sont des opportunités pour pratiquer plus intensément les arts martiaux et se plonger dans la nature sauvage, ce sont aussi des échanges pour apprendre à penser ensemble. Ainsi, chaque semaine voit fleurir des mots qui seront définis, commentés, illustrés par des événements partagés afin que chacun, non seulement élargisse son bagage intellectuel, mais surtout l’associe à ses propres expériences quel que soit son âge.

[Photo d’une séance de “mots” – Automne 2023]

Lors du dernier stage d’automne 2023, le premier mot qui est apparu a été celui de l’adversité. Chaque jour, d’autres ont suivi mais finalement c’est le processus d’apprentissage face à l’adversité qui a été l’aspect central de ces moments de pensée partagée, qui,  en apparence, ressemblent à ce que vivent les enfants sur les bancs de l’école. En réalité, le choix de ces temps particuliers de rencontre est dicté par les opportunités, afin que chacun soit le plus concerné et impliqué possible. Au fil du temps et compte tenu que cela fait quinze ans que ces bulles de pensée reliées à la pratique ont lieu, le constat est que pour la très grande majorité des participants ceci est nouveau. Ce n’est pas la participation à un atelier de philosophie pour jeunes qui leur est nouveau, mais le fait de l’associer à leur vie de tous les jours. Quand les mots sont non seulement compris mais que l’individu se les ai approprié harmonieusement, les reliant à son champ d’expériences vécues, une réelle progression en découle naturellement, une certaine empathie réciproque incluant l’individu, l’enseignant, les mots signifiés, les situations vécues, comme le traduit Hartmut Rosa avec son principe de résonance. 

Hartmut Rosa définit la résonance en la distinguant d’abord du concept d’autonomie dans nos sociétés contemporaines et accélérées, où “chacun est seul dans la constitution de ses ressources et dans leur fructification” (p.33). A contrario, la résonance “est à l’œuvre lorsqu’il y a rencontre avec un autre” (p.34). Pour que la résonance ne s’arrête pas à une relation fonctionnelle et qu’elle devienne réussie, “vibrante”, il faut “être prêt à écouter la voix de l’autre et à rendre la nôtre plus perceptible” (p.34), et finalement être touché, atteint, ému. L’interaction ainsi créée ouvre d’autres perspectives qui permettent “d’ouvrir un horizon ou une relation avec le monde que [l’on n’avait] pas auparavant” (p.37), en d’autres termes, de rendre le Ma1 opérationnel, cohérent, traduisible et accueillant. Dans le contexte des stages, les mots vont petit à petit toucher les enfants psychologiquement et dans leur expérience concrète de la vie quotidienne. Ils peuvent alors sortir d’une vision où l’appropriation des concepts et des idées se limite à la connaissance intellectuelle. 

Ainsi, chez certains jeunes qui multiplient les stages, cela permet l’émergence de comportements, de réflexions, d’une originalité, créant un groupe hétérogène où les différences sont cultivées dans leur complémentarité. N’est-ce pas là un des aspects essentiels de l’éducation ? Alors comment mettre en œuvre une éducation, dans le sens étymologique du mot : educere, faire sortir de chacun ses potentiels ? Dans nos stages le choix pédagogique est de partir d’où en est chacun pour se frotter à l’adversité qui lui correspond, et sans aucun jugement ou classement quant à la réussite du dépassement de l’obstacle ou la durée du processus. L’essentiel est d’aider chacun à prendre confiance en soi-même et aux autres. 


La définition classique du mot “adversité” (“État de celui qui éprouve des revers ; malheur, malchance” d’après le Larousse) n’est pas du tout la façon dont ce mot a été abordé pendant le stage. Compte tenu de ce qui nous relie, i.e. la pratique martiale, l’adversité a été plutôt vue comme un mur, une rivière, un paysage inconnu, quelque chose qui dans le parcours de la vie nous met à l’épreuve et nous oblige à trouver des solutions pour continuer à avancer et surtout y trouver un sens. En tant qu’adulte cette adversité n’a pas été spécialement recherchée mais se présente dans le cours des événements, car la vie nous amène naturellement à des épreuves permettant de clarifier l’échelle de valeurs et de besoins. En revanche pour les jeunes il semble essentiel de créer des situations encadrées où l’adversité va être expérimentée, à l’image des rites de passages que toute civilisation traditionnelle inclut dans son fonctionnement. En traversant cette adversité vécue comme un rite de passage aujourd’hui devenu particulièrement rare, le jeune peut se constituer comme adulte responsable, impliqué et autonome.

Tout au long de la semaine de stage, plusieurs situations ont été soulignées à titre individuel ou collectif pour donner de la matière à cette notion d’adversité. Ce qui s’est dégagé est cette idée de processus d’apprentissage face à l’adversité car quand on y fait attention, on constate que s’il s’agit d’une réelle adversité, des comportements non constructifs sont souvent les premiers venus. Lesquels ? Tout d’abord l’entêtement, c’est-à-dire buter contre un mur et y revenir, ou au contraire la passivité qui finalement aboutit inexorablement à un désengagement. 

Pour illustrer ce second comportement, il est évident que quitter la lecture d’une bonne bande-dessinée confortablement assis au coin du feu pour philosopher collectivement autour d’une table sur des mots, relève d’une réelle adversité. Si grâce au dessert ou quelques blagues, l’on arrive à relever ce défi, la pensée commence à émerger :

-“ Ah oui ! Tu nous as emmenés en haut de la montagne et tu as demandé aux plus jeunes de revenir chacun individuellement à la maison accompagné d’un adulte simple spectateur, c’est-à-dire de trouver le bon chemin. C’est cela l’adversité ! “

A partir de cet exemple concret, l’échange de fond pouvait commencer, traduit par une prise de conscience :

– “C’est vrai que je me suis inventé des repères pour justifier d’aller dans un sens alors que je dirigeais le groupe à l’opposé de la maison.”

Reconnaître ne pas avoir les moyens, les outils, les connaissances pour être autonome, relève de l’auto-évaluation : c’est en évaluant ses capacités qu’émerge finalement le discernement et l’objectivité de ses propres limites face à l’obstacle, et qu’alors le besoin d’être conseillé peut être identifié et idéalement accepté. Néanmoins, partir à la recherche de conseils ne suffit pas toujours, il faudra également passer par une formation, un apprentissage auprès d’un enseignant, comme par exemple apprendre à utiliser une boussole, ou plus difficile encore, savoir choisir de bons repères sur le sentier et garder son cap grâce à la perception de son orientation dans l’espace quel que soit le terrain. Cette phase active face à l’adversité permet de boucler un premier cycle. Une fois cette préparation effectuée, l’obstacle peut à nouveau être affronté, cette fois avec la présence de l’enseignant incarnée en soi mais aussi de nouvelles armes, de nouvelles acquisitions, de nouveaux savoirs.

– “Ça prend du temps dis donc ! 

– Oui et c’est bien de se dire que l’autre est ici pour nous aider à trouver les bonnes étapes.”

Des mots se sont alors mis en boucle : le mur de l’adversité, les faux comportements, l’acceptation de s’auto-évaluer, la conscience de devoir prendre des conseils voire de se former, s’entraîner, et enfin la difficile confrontation à nouveau à l’adversité avec cette fois-ci la reconnaissance de l’apport de l’autre plus expérimenté. La boucle du processus d’apprentissage face à l’adversité pouvait se dessiner :

Quelques réflexions des enfants suite à la “digestion” de ce processus :

– “On a vite fait de ne choisir que les terrains et les situations où on est forts ! 

– Oui, et moi je n’aime pas être mis en échec. En général je réussis dans tout ce qu’on me demande.

– Il faut reconnaître que parfois je préfère t’ignorer, l’adversité que tu me proposes ne me concerne pas.”

Cette dernière réflexion a engendré tout un débat. Est-ce bien justifié de ne pas s’impliquer dans certaines activités qui nous mettent à l’épreuve ? En refusant de s’impliquer, ne perd-on pas l’opportunité d’acquérir d’autres façons d’être ? En effet, certaines adversités nécessitent plusieurs aller-retours, et donc plusieurs auto-évaluations, préparations, entraînements et de nouvelles confrontations à l’obstacle. Se dégage alors la nécessité de faire preuve d’empathie, de travailler la mémoire et l’attention, d’être ordonné, de cultiver la persévérance, et surtout de constater nos nombreuses ignorances. A la surprise générale, deux formes de l’ignorance se sont distinguées : ignorer les autres et faire preuve d’ignorance. 

Ignorer les autres est la première définition identifiée par les enfants. Pourtant, tous les jours c’est bien parce qu’on ignore les pensées, les centres d’intérêts, le travail, les sentiments etc. de l’autre que le monde se rétrécit pour ne tourner que dans ses centres d’intérêt et ses propres domaines de prédilection. 

– “De toute façon quand on part en promenade, je ne me pose pas de question, je n’ai qu’à suivre.

– Oui mais tu vois si jamais on se perd, comment on rentrera ? Finalement apprendre à devenir autonome dans nos déplacements c’est utile.

– Et moi, c’est vrai que la première année, je me suis beaucoup ennuyé pendant le ramassage de châtaignes, mais là avec la machine et le tracteur c’était super, j’ai  même fini par bien aimer tirer tous ensemble les lourds filets dans la pente.”

Ces immersions en vie collective sont donc des opportunités essentielles pour interroger, non seulement ses rapports aux autres et à ce qui nous est étranger, mais surtout cette façon de vivre où l’autre pourrait être ignoré car seulement prestataire de service, de loisirs ou de savoirs. Affronter des situations d’adversité, n’est-ce pas le propre de la voie martiale, du Do, pour qu’ainsi le processus d’apprentissage qu’elle implique devienne constitutif de notre façon d’être ? Une façon où non seulement nous n’avons pas peur d’affronter une nouvelle adversité mais nous ne l’évitons pas afin de continuer à s’éduquer et faire sortir ce qui n’était auparavant que potentiel. Comme conseillé par Krishna dans la Bhagavad Gita dans son dialogue avec le guerrier Arjuna : “Tu as droit à l’action, mais seulement à l’action, et jamais à ses fruits ; que les fruits de tes actions ne soient point ton mobile; et pourtant ne permets en toi aucun attachement à l’inaction.” (p.28)

[Arjuna et Krishna sur le champs de bataille (https://kriyayoga.fr/bhagavad-gita-art-de-action-karma-yoga/)]

Bibliographie

Baghavad Gita, traduite par Sri Aurobindo (1984) ed. Maisonneuve.

Morin, Edgar (2015) Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Points.

Rosa, Hartmut (2022) Accélérons la résonance ! Pour une éducation en Anthropocène, ed. Le Pommier.

  1. Le « Ma » nous vient d’Orient et tout particulièrement du Japon. Il est cette manière particulière de relier deux choses distinctes et souvent opposées, en créant une zone, pas simplement spatiale mais aussi temporelle, où l’on peut reconnaître et apprécier la rencontre harmonieuse des deux choses sans pour autant les confondre. ↩︎
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Articles L'humain et son éducation

Éduquer au dojo

Il s’agit avec cette série d’articles sur l’éducation, de témoigner du quotidien d’un enseignant d’arts martiaux auprès d’un public d’enfants comme d’adultes. Volontairement, les propos sont repris textuellement pour mieux plonger dans ce microcosme particulier d’un dojo où l’apprentissage porte autant vers l’acquisition de savoir-faire que de savoir-être.

Épisode 1 : Le sens de l’effort est-il en péril ?

Il y a une génération, pratiquer un art martial, c’était évidemment développer le sens de l’effort ! Depuis quelque temps et encore plus suite à “l’effet covid”, il semblerait que cette évidence se brouille. Comme si un seuil venait d’être franchi, dans ce domaine aussi, il s’agit d’alerter 1En référence aux nombreux lanceurs d’alertes qui émergent dans tous les domaines (écologie, finances, santé, biodiversité, pollutions, etc.)..

Définir le sens de l’effort dans le cadre de la pratique d’un art martial

C’est d’abord un positionnement intérieur : l’envie de progresser de façon indéfectible (partir du principe qu’il y a toujours matière à s’améliorer et devenir meilleur) et pas seulement faire des efforts pour atteindre un ou des objectifs. Il implique d’être attentif à ne pas tomber dans le piège du “jusqu’au boutiste” où dans ce cas l’effort est confondu avec l’obstination. 

Ce sens de l’effort intègre des limites. Les découvrir ne l’annihile pas, mais le canalise en persévérance. Cette dernière est l’outil qui permet de rentrer en profondeur dans la discipline et de faire éclore de nouvelles perceptions et une plus large conscience. Elle renouvelle le sens de la pratique, l’attention étant portée vers des plans toujours plus subtils. Autrement dit, c’est quand on pense avoir fait le tour d’une pratique et que l’objectif semble atteint, qu’il est bon de se repositionner et de persévérer.

Le sens de l’effort comme positionnement intérieur

Les obstacles au sens de l’effort comme positionnement intérieur sont nombreux. Parmi eux et dans le cadre de la pratique d’un art martial, on peut citer la crainte de chuter, rechigner à se relever et repartir, considérer trop rapidement ne pas être assez doué, avoir peur de perdre, ne pas accepter de passer par des phases de stagnation voir d’apparente régression, résister à apprendre rigoureusement le corpus d’une discipline, conditionner ses efforts à l’obtention de récompenses ou distinctions, penser être arrivé au bout de l’enseignement et s’ennuyer voir critiquer, être déçu d’avoir réalisé certaines performances puis de ne plus les atteindre. 

Passer ces obstacles, c’est forger en soi le “bon sens de l’effort”. Et pour les passer, chacun peut s’appuyer sur une méthode incluant à la fois les approches artistiques et scientifiques de sa discipline. C’est par le jeu et la dialectique de ces deux approches que le sens de l’effort se renouvelle et devient un positionnement intérieur. L’approche artistique fait appel au cœur, à l’intuition, à la générosité et le non-calcul ; l’approche scientifique fait appel à la raison, la rigueur et la discipline. Par les deux approches se développe la mémoire, et avec les joyaux de l’expérience, utiles pour apprendre à faire des choix toujours plus autonomes dans le cheminement de sa vie.

Le sens de l’effort comme outil de connaissance de soi

Et que faire quand on n’est pas du tout doué dans une discipline ? N’y a-t-il pas le risque d’effort obstiné, stérile voire dangereux ?

Dans le cadre des arts martiaux, mais cela doit être pareil pour toute discipline, il y a toujours matière à progresser, quel que soit le niveau de départ et les aptitudes. Dans la mesure où la performance comme la récompense sont secondaires, qu’en priorité l’enseignant accompagne les pratiquants vers le bon sens de l’effort et que ceux-ci “joue le jeu”, ils tirent alors toujours des bénéfices de leur pratique, peu importe le niveau obtenu. Ainsi, par eux-même, ils sauront s’ils sont faits ou non pour s’engager dans la durée dans une discipline, leurs efforts détachés de leurs fruits les mettant réellement à l’épreuve et leur donnant les moyens de s’évaluer. Et s’agissant d’enfants, s’ils ne sont pas du tout doués mais ont développé un sens de l’effort, il y a de fortes chances qu’avec le soutien des proches, ils puissent formuler des choix vers une autre pratique. Chez les enfants, le rôle des adultes (notamment les parents et les enseignants) est donc crucial pour l’inciter à l’effort. C’est parce qu’il y a concordance et implication de tous les accompagnants que l’enfant va plus facilement s’impliquer dans une telle démarche.

Les obstacles au sens de l’effort

Trois obstacles au “bon sens de l’effort” ont pris dernièrement une dimension quasi pathologique. Les deux premiers concernent plutôt les adultes, le troisième touche tout le monde et particulièrement les enfants. 

De plus en plus, faire des activités physiques se réduit à sculpter son corps. L’effort y est très présent mais seulement comme moyen pour des performances et un culte des apparences. Plus de muscles, plus de force, plus de produits, plus de ligne, plus de résultats etc. Les “gains” ainsi obtenus peuvent occulter à court terme les inconvénients et les dangers d’un tel positionnement, mais jamais à long terme. 

Le sens de l’effort est aussi particulièrement mis à l’épreuve par les “imprécations du monde moderne” 2Ce qui pousse à un mode de vie toujours plus accéléré (fast food, fast way, short meeting etc.), toujours plus efficace (planning modulable, déménagements fréquents, travail par missions au gré des besoins des entreprises), toujours plus envahissant par le mélange de la sphère privée et professionnelle.. De plus en plus, il n’est pas évident de maintenir hebdomadairement et à horaire fixe des rencontres avec soi-même et une discipline. La solution apparente des pratiques à la carte ne fait que conforter les impératifs contradictoires d’être à la fois sédentaire, déplaçable comme un objet, malléable dans ses périodes d’occupation. Trop souvent l’individu capitule et simplifie sa vie pour ne répondre qu’à ses besoins physiologiques, de sécurité et de reconnaissance sociale. Que reste-t-il pour les besoins de réalisation de soi ?

Le sens de l’effort s’efface, la distraction étant confondue avec l’éducation. Les industries des jeux et la malbouffe ont une part de responsabilité énorme dans ce délitement qui touche une personne sur deux aux Etats-Unis, les autres pays du monde prenant le même chemin. Les deux témoignages qui suivent illustrent ce troisième obstacle. Le premier, qui chaque année se répète de plus en plus, met en lumière une certaine forme de capitulation parentale face au poids des distractions numériques et le confort qu’elles procurent. Le deuxième montre les conséquences de cette capitulation.

Distraire ou éduquer ?

Il est arrivé sur les tatamis à 5 ans. Une tête de plus que ses copains, une énergie débordante, un sens du déplacement exceptionnel pour son âge, toujours un sourire aux lèvres, toujours à jouer, toucher, parler etc. La vie quoi !

Je ne me suis pas rendu compte tout de suite du changement. Il y a d’abord eu des moments de fatigue, assez inexplicables pour lui, compte tenu de son énergie et de ce que je demande aux enfants de cet âge. En général, j’attribue les baisses d’énergies au rythme linéaire de l’école qui ne s’adapte pas au rythme des saisons et encore moins à celui de chaque enfant. Mais le printemps est arrivé, les mois s’écoulaient et en plus de la fatigue, j’ai constaté chez cet enfant un certain désintérêt des autres, un début d’isolement.

Était-ce dû à un problème familial ? Je discute avec la maman, mais tout semble stable de ce côté-là. Je lui demande si son enfant est toujours intéressé par les arts martiaux, lui a-t-il parlé dans ce sens ? Elle me répond : « nous n’en parlons pas, mais c’est vrai qu’il joue moins, il devient beaucoup plus casanier, mais vous savez ça m’arrange, je cours moins qu’avant ! ». La discussion ne va pas plus loin. 

Un soir, cette maman passe l’heure sur les bancs au bord des tatamis. A chaque fois que je me tourne vers elle, elle est en train de pianoter sur son téléphone. Un autre soir, alors qu’il ne reste que quelques minutes avant le début du cours, l’enfant en question reste assis dans la salle d’accueil du dojo, toujours en tenue de ville. Sa mère est un peu plus loin sur son téléphone et lui aussi pianote… sur une console de jeux…

S’en suit un échange :

⟪ Tu ne vas pas t‘habiller ?

– Non, je préfère rester sur le bord.

– Tu préfères jouer avec ton jeu ? Tu ne vas pas courir avec tes amis ?

– Non, je ne suis pas très bien. ⟫

L’enfant finit par aller s’habiller. Il a un peu participé au cours mais pas suffisamment. Je l’ai revu encore quelques fois, la console aussi, et un mois avant la fin de saison, l’enfant et sa mère ont finalement disparu. 

Les années passent et pour chacune d’elles, mon plus grand combat pour les enfants est d’arriver à semer en chacun des graines du sens de l’effort. Pas de l’effort pour gagner ou être le meilleur bien sûr, mais l’effort pour contribuer à leur propre autonomie et capacité d’engagement et qui se traduit par le fait d’être totalement impliqué dans ce qu’ils vivent au présent. Bien accompagné, donc sans recherche de performances particulières, ce type d’effort engendre l’enthousiasme et la régénération de l’individu. C’est ainsi que s’incarne aussi – car il faut du temps et des épreuves pour l’incarner – cette belle qualité de persévérance. Au dojo, on tombe et si à chaque fois qu’on se relève on se positionne pour recommencer mais autrement, la persévérance fleurit et fait naître les fleurs du courage. 

Cela passe par des jeux, des contacts, des efforts physiques ensemble, la moindre des choses dans un dojo. Mais aussi par des discussions sur ce thème, surtout des échanges d’expériences pour valoriser les efforts de chacun en partant toujours de là où la personne se situe et sans comparaison avec les autres. Parfois on casse du sucre sur le dos des téléphones portables et autres consoles. Mais pas trop car ces jouets sont quand même bien pratiques. En revanche, il faut doser et ceci est le rôle des adultes. N’est-ce pas ?

Des écrans, des sodas, la flemme…

Une maman arrive au dojo avec ses deux enfants. Ces derniers ont un casque sur la tête et le plus jeune a une console dans les mains. Ils ne me regardent pas une seconde, ils sont très occupés. La dame s’informe, me demande les prix pour pratiquer les arts martiaux.

⟪ Oh, mais c’est cher ! Regardez, c’est quand même beaucoup moins cher, eux (elle me tend son téléphone où s’affiche la page qu’elle a cherchée à l’instant).

– Ce n’est pas la même chose, vous savez, c’est une salle de gym, avec des machines, c’est différent et plutôt pour un public d’adultes.

– Oui mais c’est du sport aussi, il y a des machines pour courir, pour pédaler…

– Oui, c’est du sport, avec les machines… Là, c’est avec des humains. La dimension collective y est aussi importante que celle individuelle. ⟫

 

J’essaie d’intéresser les deux enfants, mais ils font comme s’ils n’étaient pas concernés alors même qu’il s’agit du choix de leur propre activité. Ils ont dû déléguer ce choix à leur mère. Cette dernière m’explique en chuchotant que, ce qui compte est de les aider à leur faire perdre du poids. Et en effet, les deux enfants sont au format XXL. La discussion tourne autour des prix, elle me dit qu’elle va voir et s’en va poliment. Ses enfants n’ont pas croisé une seule fois mon regard.

Orwell avait raison : « l’aboutissement logique du progrès mécanique est de réduire l’être humain à quelque chose qui tiendrait du cerveau enfermé dans un bocal ». L’avènement de l’humain aux prothèses cybernétiques, de moins en moins capable d’effort physique, énergétique, psychologique et mental, de moins en moins capable d’imagination tant les images sont déjà fixées sur ses nombreux écrans.

S’il-vous-plaît, les parents, inculquez le sens de l’effort à vos enfants, même si souvent ils sont réfractaires. Le sens de l’effort évoqué par ce témoignage ne peut pas se réduire simplement à l’objectif de leur faire réussir des études, c’est un effort trop intéressé. Le « bon sens de l’effort » est celui qui leur permettra de toujours rebondir, de s’adapter, de faire avec peu, de relativiser et persévérer au-delà des résultats obtenus, de garder l’humour en toutes circonstances. Un sens de l’effort plus qu’utile pour le monde qui vient.

Références

Références
1 En référence aux nombreux lanceurs d’alertes qui émergent dans tous les domaines (écologie, finances, santé, biodiversité, pollutions, etc.).
2 Ce qui pousse à un mode de vie toujours plus accéléré (fast food, fast way, short meeting etc.), toujours plus efficace (planning modulable, déménagements fréquents, travail par missions au gré des besoins des entreprises), toujours plus envahissant par le mélange de la sphère privée et professionnelle.
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Interdépendance et interstices L'humain et son éducation

Comment placer du Ma entre deux pôles qui depuis trop longtemps s’ignorent ?

Le « Ma » nous vient d’Orient et tout particulièrement du Japon. Il est cette manière particulière de relier deux choses distinctes et souvent opposées, en créant une zone, pas simplement spatiale mais aussi temporelle, où on peut reconnaître et apprécier la rencontre harmonieuse des deux choses sans pour autant les confondre. 

Ainsi dans l’architecture d’une maison traditionnelle japonaise, il n’y a pas comme en Occident une coupure franche entre le jardin et la maison mais un intermédiaire, ni jardin ni habitat mais les deux à la fois, pour s’imprégner à la fois dans l’espace et le temps de la qualité des deux entités. 

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Une Maison de thé traditionnelle japonaise

| PHOTO EXTRAITE D’UN ALBUM LAQUÉ DES ANNÉES 1880-1890 – PHOTOGRAPHE INCONNU

Le « Ma » permet de mettre en valeur les deux parties dans leur différences et complémentarités en laissant l’une comme l’autre s’empiéter et tisser entre elles des liens subtiles. Le « Ma » ne peut pas être uniquement défini rationnellement. Il fait aussi appel à la poésie, à l’intuition, il s’ouvre aux approches empiriques pourvu que le résultat soit là : une harmonie naturelle, un savant équilibre où les briques du bon, du beau et du juste délimitent des chemins qui relient. On perd le « Ma » lorsqu’on laisse le jardin intérieur sans entretien et sans direction. Il retombe dans le chaos et l’inconscient. Ce jardin abandonné n’a rien à voir avec la majesté des forêts primaires et sauvages. En l’humain il est synonyme de partialité, de perte d’autonomie dans les réflexions et les décisions, de rapports de force arbitraires, etc… 

Cependant le « Ma » ne tombe pas du ciel mais se transmet, se cultive par ceux qui l’ont reçu et l’ont accueilli en eux-mêmes. Alors comment faire naître du « Ma » en soi et tout autour de soi ? De cette ambition se pose la question de la place du “Ma” dans l’éducation, et nous avons donc choisi d’explorer l’équilibre entre la liberté et l’interdit, mais aussi le dialogue entre l’égalité et la pluralité et la cohabitation entre la fraternité et l’antagonisme. Nous avons vu dans l’article “Liberté, égalité, fraternité, des amis en périls ?“ que ces concepts finissent par s’opposer ou s’ignorer, laissant le terrain aux trois poisons liber’rien, égalitarisme et défraternité. Liber’rien et défraternité sont deux néologismes pour marquer respectivement l’altération de la liberté et l’indifférence masquée. 

Ce qu’on propose ici n’est qu’une approche, parmi bien d’autres très certainement, pour créer et entretenir du « Ma ». S’inscrivant dans un temps élastique et s’appuyant sur 5 étapes, cette méthode dépend du niveau d’incorporation du « Ma » de celui qui la transmet et du niveau de conscience de celui qui reçoit l’enseignement.

Liberté – égalité – Fraternité – Interdit – Pluralité – Antagonisme

ETAPE 1 :

D’abord, l’idée est d’essayer de répondre aux questions qui suivent en cherchant des évènements et des expériences concrètes, dans sa propre vie et dans la société dans laquelle on est, qui sont capables de les illustrer. On peut tourner ces questions de bien des façons, l’essentiel est de créer du sens pour chacun des 6 mots et entre ces mots. Cette réflexion permet aussi de se rendre compte qu’il n’est pas simple de les ajuster ensemble car, par nature, on peut avoir tendance à en privilégier certains plus que d’autres. 

  • Y a-t-il des limites à sa propre liberté et si c’est le cas comment les définir ?
  • Sous prétexte de protéger, doit-on accepter tous les interdits ?
  • Sous prétexte d’égalité, doit-on imposer à tous les mêmes choix ?
  • Sous prétexte de respect des différences donc de la pluralité, doit-on en déduire des échelles de valeurs ? 
  • Faut-il partager des appartenances pour être fraternel ?
  • La fusion ou le rejet sont-elles les uniques solutions pour ceux qui s’opposent et sont donc antagonistes ? 

Si on se place dans le cadre de l’enseignement donc de l’éducation, de telles questions sont certainement trop complexes à aborder directement avec de jeunes élèves. Il va falloir utiliser les situations de vie, donc des évènements du quotidien, pour que petit-à-petit ces élèves s’approprient ces concepts et soient capable de les différencier. 

Se pose alors la question de comment on enseigne aujourd’hui. Si les enseignants comme les parents ne font qu’apporter à l’élève ou à l’enfant des connaissances dans les moments de vies partagés, la possibilité de créer du « Ma » est très faible. Les connaissances deviennent alors stériles, elles ne font pas ou peu émerger de l’élève ou l’enfant de nouvelles attitudes et comportements car alors on lui demande seulement d’absorber des connaissances pour pouvoir les restituer intelligiblement. On ne lui demande pas de les confronter à un vécu et d’en tirer des expériences. 

Pour que les enseignants amènent leurs élèves non seulement à se poser la question du sens des choses mais aussi à faire des liens avec leurs vies, cela implique entre eux et leurs élèves l’existence d’un « Ma ». Dans cette approche, le « Ma » dévoile ses exigences avec la nécessaire intention, attention et donc reconnaissance réciproque pour que la relation induite soit féconde et transformatrice dans le bon sens. C’est bien sûr aux enseignants à faire les premiers pas. C’est à eux de savoir comment rentrer dans une certaine intimité avec les élèves sans enfreindre leurs libertés, comment rester impartial face aux évidentes pluralités, comment faire preuve de fraternité sans tomber dans la familiarité ou les préférences. Ce faisant les enseignants sont à l’épreuve de faire du « Ma » et assume leur position de modèle même imparfait.

Pour former des citoyens libres, égaux et fraternels, ils doivent avoir incorporé en eux cet idéal de citoyen ou au moins y tendre. C’est tellement plus simple de se réfugier dans les savoir-faires et la technique avec pour seule exigence le fait de savoir. Etre engagé à faire émerger des qualités, c’est autre chose, notre grande responsabilité humaine, et la clé de l’étape suivante. 

ETAPE 2 :

Imaginons toutefois que non seulement ceux qui sont placés comme enseignants cherchent et arrivent à partager des moments de vie avec leurs élèves, qu’ils sont vigilants à faire sortir ces 6 questions dans le contexte des vécus partagés, ils vont peut-être arriver à ce que ces questions deviennent intéressantes et importantes pour leurs élèves, donc que ces derniers s’impliquent. Cette étape est en quelque sorte l’étape pivot, car aujourd’hui qui se donne l’autorisation de mettre l’accent dans les échanges au quotidien sur des concepts qu’on a vite catalogué comme concepts d’ordre philosophique ou moral ? 

Cela sous-entend donc que sans vie morale et questionnement philosophique, l’idéal du citoyen soucieux de liberté, égalité et fraternité ne peut être transmis. En effet, il ne va pas de soi d’être attentif à limiter sa propre liberté pour garantir celle d’autrui. Il ne va pas de soi de s’empêcher, donc de se poser des interdits, pour que chacun puisse jouir de sa liberté. Il ne va pas de soi d’être impartial et de garantir l’égalité quand à l’inverse on peut en tirer un profit. Il ne va pas de soi qu’en reconnaissant les différences donc la pluralité on ne cherche pas à se comparer pour légitimer une place au-dessus. Il ne va pas de soi de reconnaître une communauté de destin donc une forme de fraternité, quand les appartenances de l’autre s’opposent aux siennes. Il ne va pas de soi d’accepter des antagonismes quand on a la faiblesse de vouloir être aimé ou apprécié à n’importe quel prix. 

Dans cette étape, il faut être patient car nombreuses sont les voies d’assimilations et avec, la façon pour chacun de s’impliquer à donner du sens à ces questions. L’étape suivante est celle où dans un groupe, un nombre suffisant d’élèves se sont impliqués. Une dynamique se met alors en place et entraîne même les plus récalcitrants. Ces derniers ne sont pas rejetés ni poussés mais pris en compte et entraînés pour être de plus en plus concernés. 

ETAPE 3 : 

A partir de l’implication des élèves qui développent alors la capacité à trouver par eux-mêmes des situations relevant de chacune de ces questions, les enseignants peuvent alors commencer à mailler les 6 questions entre elles. C’est le moment des analogies, des tissages fondateurs de repères. Chez les élèves émerge la capacité de jugement, le discernement et la possibilité de prendre du recul sur les tendances de la société comme sur ses propres tendances. La complexité se met en place, et avec le « Ma », qui se traduit par un regain de tolérance, d’intérêt et d’ouverture pour les différences. L’élève sort de la chrysalide de l’à priori et des modes. Cette étape marque l’autonomie de chaque apprenant qui par lui-même cherche non seulement à comprendre mais à vivre harmonieusement pour lui et tout ce qui l’entoure les 6 concepts de liberté, interdit, égalité, pluralisme, fraternité et antagonisme. Les 6 ont une place en lui, il les a différenciés, mais ce n’est pas pour cela qu’il les applique avec discernement au quotidien. Arrive alors l’étape d’une réelle introspection. 

ETAPE 4 :

On peut revenir alors aux termes de liber’rien, d’égalitarisme et de défraternité qui sont les preuves d’absence ou manque de « Ma » entre les 6 termes. Et l’élève de s’interroger où chez lui, le « Ma » peut être amélioré et se mettre à l’ouvrage pour devenir meilleur. Il découvre ses limites et avec ses peurs et ses ombres. Il passe par un combat intérieur et s’il ne s’arrête pas là, arrive la 5° et dernière étape.

ETAPE 5 :

Cette étape est celle où par ses efforts pour s’améliorer, un centre et une raison d’être émerge. Dans le cadre des concepts qui nous intéressent ici, on peut dire que la dimension de citoyen est totalement incorporée, qu’on est prêt à la partager et à la faire prospérer à travers ce que la vie nous a donné comme moyens d’expressions. 

Pour conclure, quand le mariage entre liberté, égalité, fraternité et interdit, pluralité, antagonisme est harmonieux, cela signifie la présence du « Ma » entre les six. Souhaitons que ce court article puisse inspirer tous ceux qui en position d’enseignant sont motivés à faire éclore des citoyens en commençant par le faire déjà en soi. Et si les six mots proposés ici ne parlent pas, on peut les remplacer par d’autres comme par exemple, créativité, altruisme et intégrité mariés avec responsabilité, différenciation et souplesse. L’essentiel, on le répète, est de donner l’opportunité de s’engager dans un processus d’individu responsable, intègre et altruiste, la voie ou « Do » pour reprendre un autre terme japonais. 

« Nous vivons dans un monde avec beaucoup moins de certitudes et chacun doit se tourner vers ses certitudes intérieures, essayer de se reconstituer un certain monde. Dans les époques antérieures régnait une morale fixe, trop rigide certainement, mais aujourd’hui, où la morale est mise à mal par la domination de l’argent, chacun doit trouver le moyen dans ce monde-là de se reconstituer une certaine éthique1Henry Bauchau, Un arbre de mots, p.18, Ed. de Corlevour, 2007.. »
Henry Bauchau

Odile redon, un oeil vers l'infini, liberté, égalité, fraternité
À Edgar Poe (L’oeil, comme un ballon bizarre se dirige vers l’infini)

| LITHOGRAPHIE D’ODILON REDON – LOS ANGELES COUNTY MUSEUM OF ART

Références

Références
1 Henry Bauchau, Un arbre de mots, p.18, Ed. de Corlevour, 2007.
Catégories
Films L'humain et son éducation

Paul dans sa vie

paul dans sa vie documentaire
Paul dans sa vie est un documentaire de Rémi Mauger sorti en 2006.

| PHOTOGRAPHIE EXTRAITE DU DOCUMENTAIRE

Rémi Mauger est journaliste et réalisateur de documentaires. Originaire de Normandie et amoureux de son terroir, il décrit la façon dont Paul Bedel, un paysan normand alors âgé de 76 ans, est présent dans sa vie.

De façon très poétique, sensible et pudique, l’intimité de Paul Bedel se dévoile, une intimité où tout s’articule et se renforce pour durer harmonieusement, magnifiée par la patine du temps et les bonnes intentions. Paul dans sa vie est un hymne à la simplicité et à la sobriété et où pourtant la richesse foisonne. C’est aussi le témoignage de la fin d’une façon d’être dans le monde où l’humain était partie prenante et intégré à la nature dans sa diversité. Si voir ce documentaire peut créer une certaine nostalgie, c’est aussi une invitation optimiste pour faire preuve de résilience, de créativité et de foi quels que soit les imprévus et les épreuves qu’on traverse.

Pour reprendre un thème qui nous est cher, Paul, à travers l’exemple de sa vie, réussit un « bon ma » avec tout ce qui l’entoure. Rien n’y est exclu, tout y a sa place et fait sens. Paul a des liens organiques et des échanges vivants avec le village, les habitants, la famille, l’église, le café, les commerçants, le bocage, la mer, les animaux domestiques comme sauvages, les vieilles machines, les arbres, les fleurs, la météo et même l’étrange usine qu’on aperçoit, là-bas, au loin. Tous ont besoin de Paul et inversement.

Cette relation d’osmose si particulière nous semble très importante à faire connaître pour montrer d’une part que c’est possible. D’autre part, du point de vue de l’éducation, cela évoque ce qu’Edgar Morin appelle l’enseignement de la condition humaine

paul bedel
Paul Bedel est décédé en 2018 à 88 ans.

| PHOTOGRAPHIE DE JEAN PAUL-BARBIER